ton cœur vide, vide d'amour, vide d'ennui, vide de tout. t'es là, au bord du vide. c'est limite si tu écartes par les bras, à l'horizontale, pour que ton corps forme une sorte de croix divine, pour que dieu te pardonne, pour la dernière fois. tu regardes en bas, les vagues frappent violemment les rochers. et si tu disparaissais, qui viendrait te sauver ?

personne.

parce que tu n'as personne, tu n'es personne. c'est triste, mon dieu que c'est triste. tu te dis que tu dois être mal né, ou malsain, putride, puéril. tu soupires, tu t'écartes du bord et tu la remarques enfin. avec ses cheveux ébènes. que fait-elle ici ? tu la regardes, la sauvage, la fougueuse.

c'est beau, les falaises. elles sont un peu trop grandes pour toi, peut-être, un peu trop imposantes mais rassurantes. t'aimais bien venir là, t'blottir contre un rocher qui voudra bien t'offrir ses bras, t'assoupir, t'oublier, t'évader, sentir le vent te caresser les cheveux, et écouter les vagues te susurrer à l'oreille "bonne nuit mon ange". oh, c'est beau, trop beau ? allez laisses-toi porter, laisse la brise t'envoler. tu regardes l'horizon, tu l'scrutes, les yeux vides, le coeur torturé. onassis, onassis, ne m'abandonne pas. aide-moi à gommer l'souvenir du passé.
putain de mexique, va te faire foutre.
eh vas-y, pleure pas jolie fleur. pourquoi tu laisses la rosée de tes larmes t'inonder l'esprit ? arrête, t'es belle, relève la tête princesse.
j'ai relevé ma tête en fin de compte.
et je l'ai vu.
qui ? tu sais pas. il semblait perdu, sans l'être. comme toi, belle plante. il te regarde. intensément, comme papa regardait maman ? non, peut-être pas. mais il t'lâchait pas.
stop ne m'torture pas,
ça fait mal quand tu m'regardes.
mais tu t'approches. cette attraction qui vous liait. c'était fort, pour toi.
- fauve.
pas d'bonjour, rien. juste toi. tu t'offres à lui. ton nom, tu lui donnes comme ça. tu lui offres une part de toi. tu crois qu'il voudra bien, de toi ?
m'rejette pas.

elle se présente. un mot s'échappe entre ses deux traits roses, un mot, une partie d'elle, un souffle, un prénom. fauve. comme ça t'inspire, c'est fou. tu te sens attiré par elle, t'as envie de tout savoir, de tout voir, tout vivre. tu peux pas l'expliquer. c'est fort, c'est fou. putain, c'est fou oui. merde. elle t'a donné quelque chose alors tu te sens redevable, comme à chaque fois. t'as peut-être l'air d'un con comme ça, aux premiers abords, aux deuxièmes, aux troisièmes, aux millièmes mais au fond, tout au fin fond de ta carcasse vide, t'es quelqu'un de bien, de beau mais de faible, de blessé. tout ça.
- badi.
voilà, c'est pas si difficile bon sang. tu la fixes de tes billes marrons puis tu repositionnes ton regard au loin, dans le vide, le néant, l'horizon. aurais-tu peur d'elle ? de ses mots ? de son être ? elle a l'air de te ressembler tellement. qui se ressemble s'assemble, non ? et toi, t'as peur de t'assembler, t'es qu'un trouillard derrière des gros bras et ta barbe noire.
- fauve, as-tu déjà pleuré ?

badi, c'est joli. c'est pas l'nom d'un monstre sans cœur, capable de t'bouffer le coeur à en crever, comme toi. il est pas méchant. il t'veux aucun mal. ses yeux noisettes entrelacent ton regard. boum-boum dans ton cœur, oups. aucun mot ne s'échappe de tes lèvres. oui, badi, il s'est un peu donné aussi, un peu d'son passé, d'ses souvenirs. et c'est dur le passé. alors, tu te contentes de sourire. comme ça, sans réfléchir. t'es belle quand tu souris ? peut-être, zya elle te disait ça, à venise. tes lèvres n'ont pas eu le luxe d'apprivoiser ce plaisir tous les jours.
offre-moi ton sourire, badi.
tu tortilles tes cheveux ébènes autour de ton doigt. tendue, perdue, gênée, paumée. le joli te demande si tu as déjà pleuré. tu bats des paupières, tu sais pas quoi répondre. t'étais prise de court, tu pouvais pas fuir l'impasse.
oui, j'ai déjà pleuré. souvent pour rien, toujours pour tout. comme une gamine, une lâche, une pauvresse. et pour des personnes qui n'en valaient pas forcément la peine.
tu rougis. le passé t'rattrape, pauvre gosse. tu penches la tête en arrière, discrètement, histoire qu'on te voit pas en position de faiblesse. comme si te courber t'aidera à retenir les jolies larmes qui bordent tes yeux.
et toi ? toi aussi, tu pleures parfois ? toi aussi, t'es comme moi, t'es venu à onassis parce que tu pleurais trop chez toi?
comment devais-tu te comporter, avec un garçon ? quels mots devais-tu choisir ? c'est dur, d'essayer de plaire à tout prix, de faire en sorte que vos pensées soient belles et bien en phase. alors, tu t'préparais mentalement.
t'enfuis pas en prenant mon cœur avec toi, badi. ne m'laisse pas seule avec uniquement mes yeux pour te pleurer.

quelles drôles de questions tu peux bien sortir des fois, c'est fou. surtout que tu la lances sur un sentier que tu n'veux pas emprunter. que dis-je, ce n'est un sentier pour ta part, c'est une avenue.
- j'ai trop pleurer, je ne sais plus pleurer, moi je garde tout dedans, tout au fond de moi.
c'est triste putain. t'es sincère en plus de ça, c'est triste et sincère. c'est encore plus triste que ça. tu soupires. c'est vrai que tu ne sais plus pleurer, c'est la putain de vérité. parce que par la passé, ce fichu passé, t'as beaucoup trop pleuré, beaucoup trop alors t'as arrêté, t'as tout enfermé et du coup, tu ne sais plus pleurer. si tu devais pleurer, là, maintenant, il faudrait que la petite fauve sorte le masque et le tuba parce que ça serait comme un torrent, une cascade, une horreur. et puis ça serait moche parce que t'en as perdu l'habitude.

merde.

elle lève maladroitement la tête, mais qu'est-ce qu'elle fait ? elle pleure ? non pitié, ne pleure pas petit chat, jamais, pas là. tu risquerais de le faire pleurer. non petit chat, ne pleure pas. sois forte, très forte. tiens, il te donne de la force, par télépathie. beaucoup de force. ne pleure pas petit chat, ne pleure pas.
- avant onassis, il n'y a rien, rien, rien. que du vent, de l'air, du vide. tout est noir, le néant.
putain badi, il faudra bien que t'en parles un jour, que les gens sachent parce que si tu dis rien, ça pourrait bien te faire crever badi, à petit feu.

il a trop pleuré ? 
comme toi.
il a voulu effacer son avant-onassis?
comme toi.
t'as enfin trouvé quelqu'un qui étais sur la même longueur d'onde. une once de bonheur qui fait un peu battre ton cœur. badi, il semblait paniqué, quand t'as levé la tête.
merde, il m'a vue.
pourtant, tu veux faire les choses bien pour une fois. tu veux pas que ça s'termine mal, avec lui, parce qu'il est gentil avec toi.
putain de mexique.
souris fauve, souris. fais comme si la vie était jolie et fleurie. 
t'as de la chance.
ouais, il avait de la chance. t'aimerais bien aussi, oublier comment pleurer. parce que tu pleures trop souvent, tout le temps. pourquoi? tu sais plus vraiment, t'as pas envie de te souvenir.
pas maintenant.
ça fait trop mal, t'es lâche. tu veux fuir la souffrance, la semer pour qu'elle ne te rattrape plus jamais.
mais ce que tu comprendras jamais, pauvre gosse, c'est que c'est impossible.
moi aussi, j'aimerais bien qu'il n'y ai qu'un néant, avant onassis. j'aimerais bien oublier comment pleurer, et apprendre à vivre.
badi, badi, badi. révèle-lui tes secrets, les plus sombres et sauvages. rassure-la, avec tes douces paroles crues. dis-lui qu'elle n'est pas seule à souffrir jusqu'à s'en bouffer le coeur.
dis-moi.
dis-moi, badi, je peux te poser une question étrange ?
non, non. ne lui dis rien, en fin de compte.
ferme ta gueule fauve.
fais pas la conne, fais pas l'innocente, grandis un peu. ça s'voit, que badi il veut pas parler d'avant. tu veux pas être l'idiote qui a osé faire pleurer badi.
promis juré j'suis quelqu'un d'bien.
c'est bizzare, pour toi, si je te demande de m'apprendre comment sourire ?
oui.
non en fait, c'est encore pire.
ferme-la. pour toujours.

Spoiler:

tu l'écoutes attentivement, ses paroles sont envoûtantes.

le charme,
le charme,
le décor,
sous le charme.

et puis là, tu t'attends au pire quand elle te demande si elle peut te poser une question. parce que t'es persuadé qu'elle va te demander pourquoi tu as déjà pleuré, tout ça. parce que ça va remuer le couteau dans la plaie, que tu risques de te fâcher.

la colère,
triste colère,
la fragilité.

mais en fait, tu t'es trompé badi.
et comme un enfant, tu fais non de la tête.
- je ne souris pas moi non plus.

oups.
badi, ne casse pas se rêves.
stop,
arrête,
ne sois pas comme ça.
ne sois pas méchant.

- mais je peux essayer, j'ai envie d'essayer.
c'était sincère, vraiment. badi tu grandis un peu en disant ça. ça te ferait plaisir de réussir, c'est vrai. et puis tu la regardes, elle est jolie avec ses cheveux noirs sauvages.

- si tu arrives à sourire fauve ...
tu baisses les yeux.
va s'y badi, continue.
- est-ce qu'on sourira pour la vie ?

Spoiler:

badi, la laisse jamais là,
tu as besoin de quelqu'un qui sache,
qui comprend, qui connaît,
lui, lui, lui, lui seulement lui.

au fond, t'aimerais bien qui s'la ferme un peu badi.
parce que lui, il est trop gentil avec toi,
et ça t'émoustilles un peu,
un peu de ces papillons dans l'ventre,
ce regard baladeur qui n'peut pas quitter son doux visage, à badi.
mais toi, t'es du genre à t'accrocher à tout, et n'importe quoi.
dès qu'on t'accorde ne serait-ce qu'un regard,
qu'un geste un peu tendre,
qu'un mot doux, et sucré,
t'es toute chose fauve.

et là, t'as l'impression que tout s'effondre, que tout s'brise,
tes espoirs, tes sentiments,
ton p'tit coeur.
ton sale cœur un peu trop vide,
badi, il avait réussi pourtant, à le faire battre un peu.

est-ce-qu'il ne sourit pas parce que tu es là ?
est-ce-que il soupire en pensant à toi ?

sale gosse, fauve.

mais. hé, une lumière là.
badi. pourquoi t'es si gentil ?
c'est vrai ? tu veux bien essayer ?
tu marques une très courte pause, un peu songeuse, un peu rêveuse.
pour moi ?
il va essayer, pour toi.
et là, ça fait boum boum dans ton cœur. oups. c'est chaud. c'est doux. c'est agréable.

et merde, record battu. tu t'accroches aux gens en maintenant moins d'une vingtaine de minutes. c'est bien fauve, tu t'améliores.
non, j'déconne, gamine.
oui. parce que si tu m'apprends à sourire, je voudrais te sourire pour la vie. comme ça, je pourrais peut-être admirer tes lèvres s'étirer au même rythme que les miennes.
tu rougis. un peu trop à ton goût. mais c'était sincère. ça venait d'ton cœur un peu rempli, maintenant.
parce que... je suis sûre que tu as un très beau sourire badi.
et là, une esquisse, un croquis sur tes lèvres. un gribouillage un peu maladroit, mais fait avec beaucoup d'amour. tu souris, en pensant.

en pensant à quoi, tu n'oseras jamais l'avouer. pas ici.

ou... en pensant à qui.

oups.

botch.
elle te fait quoi là ?

tu soupires,
encore une fois.

- oui, je veux le faire.
tu sens ton palpitement juste que dans ta gorge, ça te prends aux tripes mais tu aimes entendre ce qu'elle a à te dire. tu te sens limite léger quand ses doux mots parviennent à tes oreilles.

- pour toi.
tu reprends, le souffle presque coupé. et puis tu te tournes un petit peu en croyant qu'elle ne peut plus voir ton visage mais c'est faux, elle le peut. mais le fera-t-elle ?

tu écoutes la suite des ses paroles,
tu les bois.
glou, glou, glou.
et là, tu souris.

putain oui,
tu souris.
d'un beau sourire,
d'un sourire sincère. celui qui vient de tout au fond. au fond du fond de ton corps sans réelle vie. tu penses à ce qu'elle dit et t'en es tellement content en fait. mais tu ne te rends pas de suite compte que tu souris. gros bêta va.

ton sourire retombe quand tu te retournes vers elle parce que t'as du mal à sourire devant les autres, t'en as le preuve là, debout sur les falaises.
- moi aussi fauve, j'aimerais te sourire pour la vie.

et tu lâches ces mots,
sans t'en rendre compte,
ces mots francs, magiques,
apocalyptiques.

et puis là y'a un truc qui se passe
bordel,
bordel,
bordel,
tu t'auto-excuses pour ces mots,
mais y'avait que ça qui t'venait en tête

badi, tu souris.

fauve.

badi.

faut juste apprendre à lire entre les lignes.

fauve
a appris comment sourire à
badi

tu l'observes, il est joli, le fauve s'efface laissant place au gentil chaton.
mais il se retourne vers toi, son sourire s'effaçant au même rythme que le lion en lui.

oh non,
tu veux le regarder,
encore,
et pour toujours.

alors, en guise de réponse, tu poses ta main frêle sur la sienne. tu sais pas pourquoi, ça t'prends,
putain d'impulsivité,
ça fait qu'un tour dans ta tête,
et pouf,
l'électricité parcourt vos doigts.

et ton sourire, il est encore là. parce que, tu veux pas croire que le sourire de badi s'en est allé.
il est toujours là.
faut creuser un peu,
beaucoup ?

on a pas parlé de tes joues encore,
le feu qui déflagre,
la boule torturant ton oesophage,
ça t'brûle le coeur,
c'est chaud,
c'est doux.

paradis perdu.

le silence s'impose sur vos épaules. une ou deux minutes de paix, le fracas des vagues contre les roches. mais, cette question.

tes lèvres.
il te brûle, ce point d'interrogation.

- badi

t'hésites. tu devrais pas. non, non, non.

- promets-moi que tu ne m'en voudras pas si je te pose cette question.

tu savais qu'il allait t'en vouloir si tu la posais. c'était évident. à en crever les yeux.
sale gosse.

- pourquoi tu pleurais, avant ?

tu vois la falaise fauve ?
tu vois cette limite qui la sépare du vide,
du profond, des vagues violentes ?
va, cours, vole,
maintenant,
vers ce néant qui te conduira vers l'enfer de ton coeur.