au final, il est pas si loin de chez toi le port. et c'est tant mieux. t'y es déjà. tu marches le long de l'eau, sur le vieux ponton de bois. t'inspires cet air si pur, cet air que t'as tellement recherché. tu te sens si bien ici, tellement à ta place en fait. ça réparera pas tout ce qui s'est passé mais ça t'aidera au moins un peu. pourquoi pas. au loin t'aperçois une silhouette qui vient vers toi comme une aura, une bonne aura, une belle aura. un homme, une femme, tu n'en sais trop rien.

Une légère brise faisait virevolter ta chevelure brune dans tous les sens,  l'entraînant dans une danse agitée. Un rire chantonnant s'échappa du bout de tes lèvres, pendant que tu continuais à tournoyer sur toi même. L'odeur salée te brûlait les poumons, mais tu n'y prêtas pas attention. Tu étais heureuse. Fermant les yeux, tu écoutas le rythme mélodieux des vagues s'écrasant contre les roches, les vagissement des mouettes à la recherche de n'importe quel festin pour diner. Oui, tu appréciais un peu plus chaque jour l'opportunité de fouler ces terres, ce petit chez toi. Tu continuais de marcher le long de l'eau, un sourire naïf accroché aux lèvres. "Vous êtes perdu?" demandas-tu poliment en inclinant la tête, la joie incarnée.  L'homme devant toi semblait pensif, l'air ailleurs. Tu en avais bizarrement déduit, qu'il s'agissait d'un touriste.

la silhouette tourne dans tous les sens, comme une toupie. une toupie qui vient droit sur toi. ou alors une tempête, qui sait. elle t'affole un peu jusqu'à ce qu'elle te demande si tu n'étais pas perdu. tu la regardes, elle a l'air remplie de soleil, de joie. c'est beau, c'est différent de toi.
- non.
putain badi, fais un effort merde. t'es toujours comme ça, expéditif, peu bavard. tu vas réussir à la faire fuir sérieux. tu reposes tes yeux sur le port.
- je connais très bien cette terre entourée d'eau, merci.
bon, c'est un peu mieux. mais bon, ça pourrait tout de même être mal pris. mais bon, tu t'en fiches, comme d'habitude. tu changes pas badi, tu changeras probablement jamais parce que le passé t'as beaucoup trop esquinté. tu fais parti de ces gamins pommés, de ces gamins qui ont dû grandir trop vite, de ces gamins à qui on en a beaucoup trop demandé.

Tu regardais l'homme avec un sourire timide, ton corps dégoulinant mielleusement de gaieté. Son visage t'étais familier, mais tu n'arrivais pas à savoir où tu avais bien pu le croiser avant. Sur ce vague îlot, les touristes affluaient toute l'année, il t'était toujours très difficile de retenir des visages. Tu en gardais généralement un souvenir flou. Comme toujours tu avais fait fausse route, ta naïveté en était presque navrante. L'inconnu t'indiquait qu'il connaissait bien les lieux. Tu ne cillas pas, malgré son ton légèrement froid et distant. Il voulait peut-être que tu le laisses tranquille. Aborder les gens n'était pas chose facile dans ce bas monde. "Oh pardon, je vous avais pris pour un touriste." répondis-tu maladroitement, espérant qu'il ne prendrait pas tes mots de manière négative. S'il était originaire de Onassis, tu l'avais forcément déjà croisé, au moins au festivité de l'île. "Je m'appelle Sidée" ajoutas-tu amicalement les yeux pétillants de curiosité. Oui ce monsieur t'intriguait.

pfff, t'es vraiment un gros trou du cul.
- je suis un peu un touriste, un touriste qui s'est égaré et qui est resté.
t'aimerais de frapper des fois, t'exploser la tronche à coup de poings. tu soupires, non mais pour elle mais pour toi, à cause de toi. tu crains sérieux, à croire que tu changeras vraiment jamais quoi.
- badi.
un mot, un seul. limite le maximum que tu puisses faire. un mot qui brise le silence du port, de l'eau, du vent. crois-tu un jour que tu seras normal ? que tu pourras faire abstraction de toutes ces ondes négatives qui réduisent ton cerveau en miettes et ton cœur en morceaux ? toi badi, tu peux y arriver, faut juste que tu trouves le déclic. un objet, un lieu, un personne, tu n'en sais rien du tout. tu verras, tu attends.
- et toi sidée, tu t'es perdue ?
wahou. tu parles.

Tu le regardes fixement, le sourire au coin des lèvres.  Il y a quelque chose d’envoûtant dans cette silhouette, dans sa posture, ce petit quelque chose, qui t'attire, qui t'hypnotise. Il a l'air boudeur, non, plutôt perdu dans ses pensées. C'est étrange, toi qui, d'habitude, es toujours la première à discuter avec engouement, tu préfères te taire comme si tu avais peur de le brusquer. Chose rare, très rare. Il te répond et tu retrouves une certaine poésie dans ses mots.  
"Un touriste qui semble avoir retrouvé son chemin." réponds-tu avec amusement en penchant machinalement la tête sur le coté. Il te donne son prénom du bout de lèvre, celui-ci se perd rapidement dans le souffle du vent.
"Badi, intéressant comme prénom. J'aime bien." dis-tu plus pour toi même que pour lui. Que tu aimes ou non son prénom, n'allait clairement pas changer sa vie. Tu es comme ça, toujours à essayer de trouver quelque chose à dire de positif, même si aux yeux de certains cela peut paraître comme des futilités. Tu te contentes de hausser les épaules, laissant tes cheveux s'amuser dans le vent. Le calme c'est bien aussi.
"Si j'étais perdue....te demanderais-je si tu l'es aussi?" ajoutes-tu simplement avec légèreté, plongeant tes yeux cobalts dans les siens. Tu espères que ta réponse ne l'a pas froissé. Tu es tellement maladroite que souvent, tu blesses sans te rendre compte les gens qui t'entourent. Les mots peuvent avoir un sacré pouvoir.  

effectivement, c'était une question idiote mais bon, c'était mieux que rien. parce que badi, c'pas un grand bavard, oh ça non.
- peut-être que tu voulais qu'on se perde à deux.
c'est un peu bizarre c'que tu viens de lui répondre. tu le dragues ou quoi ? non pas du tout, tu sais juste pas t'exprimer. toi aussi t'es du genre à sauter les pieds dans le plat. m'enfin, rien de bien méchant.
- enfin, que tu ne sois pas la seule qui soit perdue.
tu rougis vite fait, ça te donne un côté mignon. ouais parce que t'es pas un mec laid non plus, même si t'es pas socialement attirant. tu la fixes puis ton regard se jette dans le port, sur les bateaux, sur ce vieil homme qui botte le long de l'eau.

Tu l'écoutes gentiment Tu perds le fil de conversation, ayant un peu de mal à suivre les connections sinueuses de son esprit. Votre conversation prend presque des proportions philosophique, cela te fais sourire. Il dégage de la poésie. Tu aimes ça. C'est joli. Tu réfléchis à ses paroles, ne sachant pas trop quoi répondre Il est déstabilisant. Du coin de l’œil, tu vois ses joues prendre une jolie teinte rosée. Tu n'en es pas sur, tu as des difficultés à bien discerner avec sa barbe. Tu trouves ça mignon.
"Peut-être...c'est toujours plus rassurant de se perdre à deux, que tout seul" réponds-tu pensive le regard lointain.
"Alors que ferions-nous si nous étions tous les deux perdus?" demandes-tu avec ta voix cristalline.

dans un premier temps, tu hausses les épaules à continuant de regarder le vieux marcher, ou plutôt boiter. puis t'y réfléchis, profondément. c'est vrai quoi, qu'est-ce que vous pourriez bien faire ? surtout toi badi, qu'est-ce que tu ferais si t'étais perdu. oh, pas grand chose.
- et bien, je ne sais pas. peut-être que du coup, on ne serait plus perdu.
atterri badi, on est pas dans je n'sais pas quel livre débile que t'as pu lire. sinon c'est la vie, le vrai monde, celui où les gens peuvent être méchant, celui où les gens meurent. la preuve badi, c'est même toi qui les enterre ducon.
- dis moi sidée, tu fais quoi dans la vie ?

Tu réfléchis, votre conversation tournoyant dans ton cerveau. Tu penses que se perdre n'a pas que des mauvais coté. Parfois ça fait du bien de se perdre, de lâcher prise. De partir à l'aventure, dans un sens. Se perdre à quelque chose de reposant, tu es un peu seul avec toi même.  
Tu as besoin de bouger, de faire quelque chose. Tu t'amuses à sautiller sur le ponton. Tu as des attitudes un peu bizarre, tant pis. Tu sembles flotter sur le sol, tu es légère et aérienne. Tu te tournes, cet horrible sourire ampli de sincérité étirant tes lèvres et allumant des étoiles dans tes orbes océanes.
« J’essaye d’être heureuse. ». La réponse te semble évidente, ce n'est pas à quoi aspire l'être humain? Être simplement heureux?
« Sinon j’aime bien la mer. J’aime parcourir les fonds marins à la recherche d’un éventuel trésor. Les préserver de la pollution. Je crois que j’aime tout simplement la nature. Et toi, Badi, tu fais quoi ? » ajoutes-tu avec nonchalance une pointe de curiosité dans la voix. Oui, il t'intriguait, tu avais soif de savoir.

ton regard lui, n'a pas vraiment de couleur. il était marronatre, sans grand intérêt alors tu décides d'essayer de le plonger dans les perles océans de ce petit corps volatile, qui saute partout.
tu l'écoutes attentivement mais tu n'arrives pas à captiver son regard alors tu abandonnes, tu le reposes sur le port, pour te calmer un peu.
je suis là quand y'a besoin, je prends soin des gens qu'on ne vient plus voir parce qu'ils ne parlent plus, qu'ils ne soupirent plus.
tu ne sais pas très bien si elle a compris, t'es tellement plein de mystère petit badi. tu baisses les yeux quelques secondes.
je suis là et on ne me voit pas.
mais bon, ça te convient badi. non ? tu soupires.