PLENITUDE (libre)

xx

J'avais une fichue envie de m'asseoir en bas du phare. Regarder les vagues qui s'écrasent sur les rochers. Avec pour seuls compagnons, ceux de toujours: mon carnet à dessin, mon paquet de clope et un peu d'herbe. La journée y était propice. Les nuages en voile dans le ciel étaient tout sauf une menace. Et faisait flotter dans l'air un doux parfum de certitudes. Je me sentais en sécurité. Pas besoin de faire semblant. Pas besoin d'aller se tuer au travail. Se forcer à sourire. Demander aux gens comment ils allaient. J'étais fondamentalement nul dans ce que je faisais, mais je m'en fichais. Eperdument. Je préférais me souvenir de ma première paire de chaussette. C'était doux. Léger. Inoffensif. Je gribouillais un visage. Mon crayon glissait sur le papier, au fil de l'inspiration momentanée. Des cheveux longs. Un léger sourire. Une petite fossette au menton. Des yeux qui brillent. Un visage rassurant. Tout se devait d'être rassurant. Quand la jeune fille au papier eut pris forme, je roulais avec attention un joint. Fis briller une étincelle sur mon briquet. Pris la première bouffée. Plénitude. Cette jolie solitude. Cet endroit qui semblait désert. Je n'avais plus l'impression d'être quelque part. Ni quelqu'un. Et c'était tout ce que j'avais toujours recherché.

Le phare, ta seconde maison semblait avoir tout perdu de sa grandeur d'antan. Alors que celui-ci devait être majestueux par le passé, il était devenu une simple ruine sur lesquels des rumeurs circulaient. Les plus jeunes aimaient croire que des fantômes puissent y vivre, et trouvaient toujours quelque chose de palpitant à raconter. Tu avais foulée ses marches à maintes reprises et tu connaissais tous les recoins sur le bout des ongles, même si tu avais parfois peur de t'y aventurer. C'était devenu ton refuge, ton havre de paix, ton endroit rien qu’à toi où tu pouvais venir rêvasser en toute tranquillité. Oui tu n’étais pas du genre à broyer des idées noires. L'atmosphère qui y régnait semblait avoir des vertus thérapeutiques sur ta petite personne. La tête appuyée contre un mur, tu admirais avec délice la nature autour de toi. Le rythme des vagues s’écrasant contre les rochers, étaient une de tes mélodies préférée. Au loin, des mouettes cherchaient un quelque conque festin pour le diner. Tout ceci était relaxant. Aspirant l’air marin, tu souriais savourant se moment de plénitude.
Un nouvel arrivant s’ajouta à ton paysage. En hauteur, tu le regardais s’afférer, d’un air amusé. Sa silhouette t’était familière, mais tu n’arrivais pas à discerner ses traits. Après quelques secondes à le regarder, tu décidas d’aller le rejoindre. Tu n’aimais pas espionner les autres, tu trouvais que ça avait quelque chose de vicieux. Descendant avec agilité les marches, tu sortis rapidement de la bâtisse. Après être arrivé à hauteur de l’inconnu, tu t’asseyais à côté de lui comme si de rien n’était, te contentant simplement de sourire. Les formalités étaient pour les adultes. « Cette femme est censée me représenter ? Nan parce que je me trouve plus jolie que ça, à moins que je sois devenue aveugle.» demandas-tu avec légèreté les yeux pétillants de malice, en penchant la tête sur le coté.

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La fumée s’immisçait en moi, puis revenait gouter à l’air ambiant avec plaisir. Et puis elle arriva. Elle dégageait quelque chose de positif. Je l’avais déjà vue quelque part. Elle était d’ici. Peut-être au bar. Peut-être sur la plage. Ou ailleurs. Ou nul part. Comme moi, elle avait du monter mille fois les marches du phare. Comme moi, elle devait trouver ici un certain repos. Le repos de l’esprit. Et c’était rare. C’était précieux. Rien que pour ça, je n’ai même pas eu l’intention de fuir. Peut-être que ça se partageait, le repos. Un sourire illuminait son visage. C’était joli. Ça allait bien avec les nuages en voile dans le ciel et le bruit des vagues. Elle fit une plaisanterie sur mon dessin. M’arracha ce qui ressemblait à un sourire. J’avais pas envie de me forcer. C’est pas spécialement ma tasse de thé, de sourire. Je la regardais un peu. « C’est vrai, t’es plus jolie qu’elle. » dis-je alors. J’étais sincère. On pouvait me reconnaitre cela. Je ne me forçais à rien. Ni à trop en dire. Ni à me taire. Je faisais ce que j’avais envie. La vie est un terrain de jeu. « Je peux te dessiner, si tu veux. » Je n’attendis pas sa réponse. Mon crayon glissait à nouveau sur le papier nu. Lui racontait les traits délicats de la jeune fille. Je n’oubliais pas son sourire. J’y mettais même toute mon attention. L’esquisse terminée, je la lui tendais, tentant de distinguer son opinion dans son regard perçant.

Passant pratiquement tout ton temps dans l'eau, animée par ton amour pour l'océan, tu n'apportais pas beaucoup d'attention à l'image que tu pouvais refléter. Tu trouvais cela légèrement superficiel. Ici, sur cette île perdue dans l'océan pacifique cela n'avait pas beaucoup d'importance. Cela n'était qu'une futilité parmi tant d'autre. Tu ressemblais à la majorité des habitants de l'îlot. Ta peau avait cette légère teinte halée, du au nombreuses heures passé sous le soleil alors que celui-ci était à son zenith. Une fine couche de sel était toujours collée à ta peau, tandis que tes cheveux tourbillonnaient dans le vent. Tout chez toi respirait la simplicité, cette dévotion à la nature. "Je vois qu'en plus de savoir dessiner, tu sais parler aux femmes." répondis-tu en rigolant. Néanmoins, ce compliment te faisait plaisir. Fallait pas compter sur les autres hommes de ta vie pour t'en faire, c'était même à se demander s'ils possédaient un tel vocabulaire.
Alors que tu ne t'y attendais pas, l'inconnu commença à te dessiner. Tu le regardais, perplexe, ne sachant pas trop à quoi t'attendre. L'art et toi ça faisait deux, tu dessinais d'ailleurs comme un pied. Même tes pieds savaient surement mieux dessiner. C'était triste tout ça. Tu sentais son regard perçant posée sur ta petite personne. Pas habituée à ce qu'on te regarde avec autant de minutie, tes joues prirent une légère teinte rosée. Tu espérais qu'il est bientôt fini, tout cela te gênait un peu. Après quelques minutes, qui te semblaient interminable il te montra le résultat. Tu fronças les sourcils, signe que tu étais pleinement concentrée. Il avait clairement son propre style, tu n'arrivais pas à savoir si tu trouvais ça magnifique ou au contraire d'une laideur. Tu étais indécise. "J'aime bien ton style. Tu arrives à capter le regard des gens." te contentas-tu de répondre, trouvant quelque chose de positif à dire. Amen. "Tu dessines souvent des inconnues que tu viens à peine de rencontrer, sur un coup de tête?" demandas-tu avec gaieté.

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Je savais parler aux femmes. Moins sur. C'était pas vraiment mon point fort. Savoir m'y prendre avec les filles. J'avais essayé pourtant. J'avais essayé de prendre exemple sur les autres. Puis on m'avait dit d'être moi-même. Ce que j'avais fait. Mais ça ne s'avérait pas très concluant. Peut-être que je les effrayais. Ou peut-être que je m'effrayais trop moi-même. Je ne savais pas. Mais la conclusion était la même. Je ne savais pas vraiment parler aux femmes. Sinon je serais amoureux à en mourir. Et pas là. Sur ce vieux rocher. En train de fumer. De dessiner. De parler à une inconnue. Mes yeux s'alourdissaient un peu. Je sentais tous mes membres se détendre. J'étais dans de parfaites dispositions pour entendre ce qu'elle pensait de mon dessin.
Elle aimait bien mon style. On a souvent parlé en mal de mon style. De ce qu'ils appellent "ma façon de me comporter." Mais je ne sentais pas la moquerie dans ses paroles. Alors je souriais. Reconnaissant. "Non. Mais tu t'intéressais alors." dis-je simplement. Ça voulait tout et rien dire à la fois. Mais je n'avais jamais été doué pour tenir une conversation. "Tiens, c'est pour toi." lançais-je en lui tendant le dessin "Et puis prends ça aussi" ajoutais-je en lui tendant mon pétard.
Je me sentais un peu désinhibé. Ça faisait du bien. Légèreté. Plénitude. "Tu habites ici non? Je crois qu'on s'est déjà vus."

L'inconnu semblait complètement apaisé, un peu perdu dans son monde comme si rien autour de lui n'existait vraiment. Tu ne trouvais pas son attitude étrange, ici où tout était que havre de paix, chacun avait ses propres méthodes de relaxation. Toi même, tu possédais certaines habitudes. "Ouai c'est dingue je fais souvent cet effet là aux gens que je rencontre, c'est surement du à mon parfum à la noix de coco." répondis-tu en rigolant, la joie incarnée. Même si tu ne comprenais pas vraiment son point de vue. Tu étais à tes propres yeux, une des personnes les plus ennuyantes présentes sur cette terre. Tu n'avais jamais quelque chose de palpitant à raconter, malgré toutes tes aventures. Non, tu étais définitivement quelqu'un de trop réservé pour te mettre en avant. "Merci, je l’accrocherais au dessus de mon lit, et je l'embrasserais tous les soirs avant de me coucher" ajoutas-tu avec nonchalance, en lui glissant un regard entendu. Non, tu allais bien évidemment conserver cette oeuvre d'art, et la ranger précieusement dans ta boite à trésor. "Deux cadeaux dans la même journée, fait attention j'vais me sentir flattée." répondis-tu avec humour. Tu regardais le pétard avec perplexité. Ce n'était pas vraiment ton genre, tu n'aimais pas le gout ni la sensation que ces choses produisaient. Définitivement non. "Mon papa m'a toujours dit de refuser les trucs que des inconnus me donne." complètas-tu comme une vraie petite fille en lui tirant la langue. C'était une manière polie de refuser son offre. Oui, mieux valait que tu gardes ton esprit clair et affûté. "J'habite ici, bien deviné. Et si je t'ai déjà rencontré, je t'ai oublié." te contentas-tu de dire dans un haussement d'épaule qui était censé tout expliquer.

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C'était sans doute son parfum à la noix de coco. Drôle d'idée! Elle me rappelait un peu le contact des gouttelettes d'eau. L'eau des vagues qui s'écrasait contre les rochers. Elle était rafraichissante. Elle dégageait quelque chose qui m'était un peu inconnu. Comme une joie naturelle. Inée. Comme si c'était facile pour elle de rire. J'aurais aimé savoir comment faire. Peut-être qu'on devrait nous apprendre à faire ça. Au lieu de nous abrutir avec des calculs. Et des lectures. Et des dates historiques. On devrait nous apprendre à être heureux. Surtout que c'est pas le plus facile. C'est vraiment pas le plus facile. Elle a dit qu'elle allait l'attacher au dessus de son lit et l'embrasser tous les soirs. Je ne savais pas si elle était sérieuse ou pas. Alors j'ai rien dit. Je me sentais comme un tout petit garçon. Comme une toute petite chose insignifiante qui voulait faire des choses de grands. Elle a refusé mon offre. J'ai haussé les épaules. Je l'ai gardé pour moi. Dans le fond, c'était pas plus mal. Ça m'arrangeait. "Ton papa a dû rater des chouettes choses. S'il applique ses conseils." je dis, avec un mi-sourire - ma spécialité - sur les lèvres. Je continuais de partir. J'appréciais le silence. Je laissais mon cerveau divaguer d'idée en idée. Sans s'attacher plus à l'une qu'à l'autre. Simplement se laissant porter. Lâcher prise. Plénitude.
Oublié. Elle, elle n'hésitait pas. J'aimais bien ça, c'était... Rafraichissant. Toujours rafraîchissant. "Faut dire que tu m'as pas laissé un souvenir impérissable non plus." Je penchais la tête machinalement. J'avais une tension dans la nuque. Ça me faisait mal. J'avais l'air d'un pingouin. J'aimais bien. Je commençais à partir totalement dans mon monde. Tout venait. Absurde. Partait. Absurde. Et revenait. Summum de l'absurde. Intérêt limité. Mais les pensées désagréables étaient volatiles. C'était bien. C'était reposant. "Tu t'occupes comment sinon? Je veux dire, en dehors de t'asseoir à côté de tout le monde?"

Il devait surement te prendre pour une folle. Toi et tes remarques débiles, toi et ton sourire imprimé sur tes lèvres. Oui, tu étais vraiment bizarre comme fille, comme si rien au monde ne pouvait te rendre triste. Ce sourire mielleux devait en agacer plus d’un. Tu devais effectivement avoir l’air d’une cinglée. Tu haussais les épaules, n’apportant pas d’importance à tes pensées. Ta conscience te chuchota que tu étais très bien. Tu reportais ton attention sur la mer, respirant le doux air marin. Tu n’avais pas remarquée l’absence de réponse de l’inconnu. Il faut dire qu’à force de passer du temps toute seule, à t’en fermer dans ton petite monde, tu avais pris cette drôle d’habitude de te parler à toi-même. Tu rigolas doucement, laissant tes cheveux s’emmêler dans le vent, te disant que ça ne faisait que renforcer l’image de folle cinglée que tu avais dans la tête. « Mon père a surement évité de se faire kidnappé par une vieille ayant perdu la tête, si on applique ses conseils » répliquas-tu avec humour reprenant les mots précis de ton voisin. Tu étais contente de toi, tu avais réussi à lui arracher la moitié d’un sourire, c’était définitivement mieux que rien du tout. Même si tu ne savais pas trop si c’était toi, ou la substance qu'il était en train de consommer qu’il l’avait provoqué. Tu laissas avec plaisir le silence s’installer entre vous deux. Vous aviez l’air de vous ressembler tous les deux, vous sembliez apprécier le calme environnant.
Sa remarque te fit rire. Oui, c’était probablement le cas d’ailleurs, toujours à vouloir passer inaperçue. « Tss tss, c’est parce que je t’ai tellement aveuglée avec ma beauté, que tu ne t’en souviens même pas. » répondis-tu avec légèreté, plongeant tes yeux bleus cobalts dans les siens. Ce jeune homme t’était définitivement familier. Attrapant de l’herbe avec agilité entre tes doigts, tu te mets à l’arracher, comme lorsque tu étais enfant, une habitude qui ne t’étais pas passée apparemment. Fermant tes yeux pour exposer ton visage au soleil, tu relèves la tête en entendant ces propos. « Ow pas grand chose... je m’assois aussi à coter des arbres, ils sont souvent moins pénibles à écouter et toi ? » demandas-tu en tirant la langue comme une gosse de six ans. Ce n’est surement pas la réponse qu’il espérait.

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(je pense au présent hihi)

Peut-être qu'il avait échappé à une vieille folle. Mais peut-être qu'il avait raté des choses aussi. Raté le bonheur d'une rencontre fortuite. D'une découverte. Enfin, on les connait les papas. Prêts à tout dire pour protéger leur petite fille des cruautés de l'existence. De la cruauté des autres. Ça marchait sans doute. Peut-être que j'aurais une fille un jour. Peut-être que moi aussi, je lui dirai de ne rien accepter des inconnus. Sûrement même. Je la protègerais des autres. Du monde. Alors que les autres et le monde ont aussi de chouettes moments à offrir. De belles surprises. Ou des instants simples comme celui-ci. Mais je n'y suis pas encore. Je sais à peine m'occuper de moi-même. Alors comment prendre soin d'une petite chose fragile? Qui a besoin de moi chaque jour, chaque seconde. Je fais taire ces voix dans ma tête. Ces réflexions qui m'assaillent. Me déconnectent de la réalité. Me déconnectent de l'instant. Mais elle n'interrompt pas mes tergiversations intérieures. J'apprécie ça. J'apprécie ce respect du silence. C'est aussi le respect du bruit des vagues. "C'est sans doute l'explication" je réponds en lui faisant un clin d'oeil et lui bousculant un peu l'épaule. Elle arrache de l'herbe. J'ai l'impression d'être aux côtés d'une petite fille à présent. Une petite fille intéressée par ce vert qui glisse sous ses doigts. L'instant se resserre. Ses yeux dans les miens me mettent mal à l'aise. Ils ont une couleur inhabituelle. Forte. Envoutante. Je ne peux m'empêcher de faire une remarque. "Tu sais que tu pourrais tuer quelqu'un avec un regard pareil?" Je ne m'en détache pendant quelques secondes. Je me sens voyager à l'intérieur. Drôle de sensation. Je ne sais pas si c'est l'instant. Si c'est elle. Ou si c'est la fumée qui a parcouru mes poumons. Mais je voyage. Puis elle ferme les yeux. Je profite du soleil moi aussi. Ses habitudes, c'est de s'asseoir à côté des arbres. "Ils te supportent plus facilement oui." je dis à propos des arbres. Elle dégage de la poésie. J'aime ça. C'est joli. "Je dessine. Je dors sur la plage. J'écoute le silence." Voilà pour mes occupations assimilable à s'assoir à côté d'un arbre. Quoiqu'un peu moins bizarre. Mais je ne juge pas. Après tout, chacun son bonheur. "Puis je suis serveur au bistrot aussi." Parce qu'il faut bien gagner sa vie. Il faut bien se nourrir. Et surtout, il faut se détacher de parents plus qu'envahissants. Ça ne me passionne pas. De servir je veux dire. Mais c'est un choix, je le sais. On a toujours le choix. Je regarde le phare. "Je viens là souvent. C'est reposant. Quand j'étais plus jeune, je venais souvent m'isoler ici. Enfin, quand les autres enfants n'avaient pas déjà investi les lieux." Elle était peut-être de ceux qui avaient toujours de la compagnie. Je la regarde. J'attends qu'elle me dise quelque chose. Elle ne me dira sans doute rien de prévisible. Et c'est intéressant. J'aime cette attente.

Ta remarque semble l’amuser. Il te fait un clin d’œil et te pousse amicalement. Tu l’aimes bien, il a l’air gentil, enfin plutôt différent comme garçon. Il dégage quelque chose d’envoutant. Tu lui rends son coup d’épaule avec légèreté. Tu es tellement faible, qu’il ne l’a surement pas remarqué. Tu possèdes des muscles, tout le temps à batifoler t’as endurcie, mais tu ne sais tout simplement pas les solliciter. C’est triste quand tu y penses. « Bien évidemment que c’est l’explication, je n’en vois pas d’autre de toute façon.» réponds-tu avec calmement en haussant les épaules comme si la réponse était évidente. Tu évites de préciser que toi aussi tu ne te souviens pas de lui, pour des raisons moins évidente. L’île est petite, mais les touristes affluent toute l’année. Tous les visages que tu as pu voir se confondent souvent dans ta petite tête.
« Vraiment ? Tu as peur que je m’en serve pour te tuer ? » demandes-tu un sourire au coin des lèvres. Tu le regardes machinalement, plantant à nouveau tes yeux bleus d’acier dans les siens. Tu ne l’as pas remarqué avant, mais il possède aussi des magnifique yeux bleus ciels, beaucoup plus pale que toi. Les siens semblent égarés, embrumés, perdus au loin. Son regard t’amuse, toi qui a les yeux perpétuellement grands ouverts, et ronds, comme une enfant à qui on montre les merveilles du monde, lui semble être dans un état second, dans son propre petit univers. Tu penses que c’est une manière pour lui de dire que tu as des beaux yeux. Tu tranches décidant de prendre ça pour un compliment. Tu continues à jouer avec les brins d’herbes, profitant de l’air pur. Tu aimes bien leurs contacts sur tes doigts, l’herbe est douce et l’air revigorant. Tu apprécies les rayons de soleils sur ta peau. La chaleur t’emplies de joie, tu adores cette période de l’année. Tu l’écoutes d’une oreille attentive, très intéressé par sa réponse. Tu fronces les sourcils, perplexe. « Et il dit quoi le silence ? » ajoutes-tu avec humour du tac au tac. Tu as dit cela simplement pour le taquiner, dans un sens tu comprenais parfaitement ce qu’il entendait par-là. L’absence de bruit, le calme était la définition même de ton havre de paix. C’était d’ailleurs pour cette raison que tu passais beaucoup de temps par-ci. En ville, tout était trop bruyant, les gens avaient une forte tendance à s’afférer de tous les coté. Ils ne semblaient pas apprécier le fait de se poser et de ne rien faire, juste être là dans le moment. « La plage n’est-elle pas trop inconfortable pour dormir ? » demandes-tu posément, ne souhaitant pas le vexer sur sa manière de vivre. Les crabes étaient fréquents par ici, et souvent d'humeur farceuse. Ce n’est pas le premier que tu voyais dans cette situation, ni le dernier, et beaucoup semblaient s’accommoder de ce choix de vie, même si cela n’en était pas toujours un. Personne ici ne vivait dans l’opulence, les gens s’aidaient, se tendaient la main, c’était dans votre culture.
Tu rougis, tu te sens mal-à-l’aise, même s’il ne te vise pas particulièrement. Petite tu passais tout ton temps ici, à jouer avec les autres. Néanmoins, tu préférais être seule. Tu as toujours été une solitaire, c’est inscrit dans ton code génétique. « Je crois que je comprends ce que tu veux dire. Il y a quelque chose d’attirant par ici. Les âmes en peines aiment souvent venir trouver refuge dans le coin….Serais-tu une d'elles? Et sinon tu allais où gamin ? » demandes-tu curieuse d’en savoir plus, en penchant la tête. Une cascade de cheveux bruns suivit le mouvement. « Enfaite je m’appelle Sidée, j’te l’dis ça peut toujours servir.»

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