(libre) high hopes.

Tes yeux fixent la place vide. Toujours vide. Y aura plus jamais de bateau ici, Neo, tu sais. Il n'reviendra pas. Il a pris l'océan, ou peut-être que c'est l'océan qui te l'a pris. Autrefois si détesté, parfois tu te surprends à le regretter. Tu t'assois au bord. C'est haut, tes pieds n'touchent pas l'eau. Tu regardes les embarcations, ça va de la barque au voilier. Parfois, certains touristes viennent avec des trucs que tu te paieras jamais. Parfois, y en a qui restent au port pour toujours. Tu regardes encore l'emplacement devant toi. Désert. Numéro 26. Faudrait peut-être que tu le vendes, que tu lègues la place à quelqu'un d'autre. Parce que toi, tu prendras pas le large, tu le sais. T'aimes la mer, t'aimes la regarder. Ça s'arrête là. T'inspires à fond l'air marin, celui qui te pique le nez depuis que t'es gosse. Non, t'es pas né ici, tout le monde le sait – l'entend, surtout. Mais la mer ici et là-bas, c'est la même. Le sel, il pique pareil. Il a piqué tes yeux ici, et il les a piqué là-bas aussi. Ce sel, qui se pose sur les cicatrices pour les cicatriser, mais qui les brûle si fort pourtant.

Toi, t'es née ici. Tu connais l'endroit comme le fond de ta poche, tu connais ces gens et ces visages qui sont devenus pour toi tellement familier avec le temps. Ouais, c'est ça, Onassis s'est une grande famille, une immense famille et parfois parmi ces gens qui la forme, il y a des départ tristes et déchirants, mais ça ne dure pas puisque d'autres nouveaux visages viennent combler ces trous qui se sont formés. T'as fini ta journée plus tôt aujourd'hui et ton père n'a pas besoin de toi au magasin alors t'en profites pour avoir un moment de solitude avec le paysage. C'est donc à l'aide de ton skateboard, ton fidèle allié que tu déambules un peu partout saluant des gens aux passages en leur souriant. Finalement, tu termines ton trajet au port t'adores cette endroit ça te fait rêver. Tu te dis qu'un jour, toi aussi tu quitteras ce port pour partir avec ton voilier à la conquête du monde, mais c'est pas pour maintenant au contraire, c'est qu'un projet que t'as en tête et tu ne sais même pas si tu vas réussir à l'obtenir, mais tu t'y accroches. Ta mère aussi a quittée l'île en empruntant ce port, elle t'a laissé derrière elle alors que t'étais qu'un bébé prétextant qu'elle étouffait ici. T'as jamais compris pourquoi, pourtant l'air est tellement pur, y'a tellement d'espaces que tu peux amplement respirer non? Même que parfois, tu trouves cet endroit trop immense pour toi alors que ce n'est qu'une petite île. C'est avec ta planche sous le bras que tu marches les yeux rivés sur les bateaux qui n'attendent qu'une chose partir en mer. Soudainement, alors que tu marches, tu constates un jeune homme assis les pieds dans le vide l'air songeur. T'hésites un instant et tu finis par t'avancer vers lui, t'as l'impression de ne pas le connaître et ta curiosité maladive te pousse à aller l'aborder; « T'avais un bateau ?» Lances-tu avec une voix douce, t'as même pas pris la peine de le vouvoyer, comme si tu le connaissais depuis toujours. Tu demandes ça, parce que t'as remarqué ces yeux qui se sont perdus un peu trop longtemps vers l'horizon. Certains diront que t'es vachement pas poli de demander ça aussi directement, mais t'es comme ça et personne ne te changera.

Tu ne sursautes même pas. T'es habitué. Si c'est pas une voix humaine, c'est le fracas des vagues sur la jetée. Alors non, t'as pas sursauté, et tu restes quelques instants encore les pieds (nus, toujours) dans le vide, qui se balancent comme deux enfants insolents, au-dessus de l'eau sale du port. Puis, enfin, tes yeux océaniques se lèvent et tu te tournes un peu vers l'arrière. Le soleil t'aveugle, ou peut-être est-ce la demoiselle dont tu devines le contour, à contre-jour. Tu mets ta main en visière, fronçant les sourcils. « mon père, avant, il y a longtemps. » Ça fait combien de temps, déjà, Neo ? Cinq ans, ou un truc comme ça. Ouais c'est ça, t'avais dix-huit ans. Tout juste adulte. Mais y a-t-il vraiment un âge pour devenir un homme ? Non. Au fond, vous êtes tous encore des gosses. Tu te décales un peu, comme pour lui dire viens, y a de la place pour deux tu sais. Comme pour lui dire, j'sais que mes idées sont imposantes, qu'elles sont grandes et trop vastes, qu'elles prennent trop de place, mais j'veux bien les ranger un instant pour que tu puisses te faire une place, toi aussi. Alors que t'es pas toujours comme ça, toi, Neo. Mais aujourd'hui, peut-être que t'as besoin d'un peu de compagnie. « et toi, t'as un bateau ? » Tu te souviens l'avoir croisée, de temps en temps sur la plage. Ici, tout le monde se connait ou presque, mais toi, tu vas pas souvent vers les autres.

T'es arrivée comme ça, comme un cheveux sur la soupe et il n'a même pas bronché, comme s'il savait qu'à un moment ou à un autre quelqu'un allait finir par se pointer et le déranger, mais toi tu veux pas l déranger, t'as juste besoin d'être là près de quelqu'un l'espace d'un cours moment. C'est vrai, t'aurais pu débuter la conversation autrement mais les entrées en matière c'est pas trop ta tasse de thé. Toi, tu fonces et tant pis les dégâts, t'es un vrai volcan à toi toute seule tu fais trembler la terre et les gens. Ouais, t'es comme un volcan, tu peux demeurer calme pendant des lustres et finalement lorsque ça explose, ça brûle, ça fait des ravages. Il t'annonce que tu peux t'asseoir près de lui, lorsqu'il s'éloigne un peu plus tôt, il a mentionné que le bateau c'était à son père y'a longtemps. T'as simplement hocher de la tête et tu déposes ton skateboard pas très loin et tu poses tes fesses au sol près de lui pour finalement répondre à sa question avec un sourire discret; « Non, pas encore, mais c'est un projet.» T'as simplement vingt et un ans et des projets plein la tête, tu ne sais pas si tu vas les réaliser, mais d'imaginer ça te fait rêver, ça te maintien vivante. Tes yeux se perdent un moment vers l'horizon et tu réfléchis, où est-ce que tu l'as déjà vue auparavant? T'hésites, puis tu finis par tourner délicatement ta tête vers lui et tu demandes; « On s'est pas déjà croisés quelque part?» Tu lâches un petit rire, te rendant compte que sur l'île on fini par connaître pratiquement tout le monde ou presque.

Non, parce que toi Neo, tu repousses pas les gens. Ils croient souvent que tu n'veux pas d'eux, parce que t'as l'air froid, que t'as l'air ailleurs, simplement pas là. Mais c'est pas vrai. T'es là et bien là. Et un peu de compagnie, ça se refuse pas. Surtout quand c'est une aussi jolie demoiselle, faut bien l'avouer, hein. Elle s'assoit à côté de toi, et tu lui souris un peu, gentiment. Parce que t'es pas méchant. Parce que les gens n'savent pas, ils te connaissent pas, les gens. Mais ils font comme si. Ils font semblant. Allons, Neo, toi aussi tu fais souvent semblant. La vie n'est qu'une pièce de théâtre, de toute façon. Un projet, qu'elle dit. C'est beau, les projets. C'est quoi les tiens, Neo ? « je vois. » que tu réponds, pour montrer que tu suis, que tu l'écoutes. Tu inspires à fond, passes une main dans tes cheveux indomptés. Puis à sa question, esquisses un sourire amusé. Donc t'es pas le seul. « sûrement, c'est pas bien grand ici. ou alors, je t'ai peut-être déjà vue d'en haut. » De là où tu passes presque la totalité de tes journées et de tes nuits. Ton petit protégé, ton jardin secret. « le phare, j'veux dire. » Tu te racles doucement la gorge, parce que t'as toujours le sentiment de pas être à la hauteur, de n'pas être intéressant. T'as pas fait d'études, t'as pas fait le tour du monde. T'as pas une fortune incontestée derrière-toi ou bien un passé terrifiant. T'as juste rien. Toi, tes p'tites histoires, et les détails qui t'ont forgé. Mais t'as toujours l'impression que ça suffit pas. Tes iris d'azur reviennent chercher la compagnie apaisante de la vue de l'océan. Sous tes pieds, toujours nus. « au fait, on m'appelle neo. »

Tu t'es posée à côté de lui, il t'a permis de t'y asseoir et tu lui as déclaré qu'avoir un bateau c'était un projet, après tout tu te trouves dans un endroit où l'eau est la ressource la plus importante de la place et t'as toujours pas de bateau, c'est impensable selon toi. Mais ton père, dit qu'il n'a pas le temps ni l'argent pour se payer un bateau alors tu tiens ça mort, tu préfères garder ce rêve pour toi comme ça personne t'embête ou te dit que c'est impossible à réaliser. Puis, il te déclare qu'il t'a probablement vue d'en haut, t'arques un sourcil en posant tes yeux sur lui. Il t'explique en rectifiant qu'il t'a probablement vu du phrase, t'hoche la tête et tu lâches un petit rire, le phare c'est toi un endroit mythique, une icône qui a bercé ton enfance avec les multitudes histoires et légendes que son père lui racontait. C'est pourquoi, à cette pensée, ses yeux devinrent légèrement brillants; « T'es vraiment le gardien du phare?» T'oses poser cette question comme si t'arrivais pas à le croire, parce que souvent lorsque ton père te racontait des histoires reliés au phare, il mentionnait que ce dernier était désert. Tu replies tes jambes vers toi et tu finis par souffler; « Tu dois avoir une magnifique vue.» Quoi attend? Serais-tu entrain d'insinuer que t'es jamais allé dans le phare? Ouais, t'es déjà allée probablement y'a longtemps, mais avec ces histoires qui donnent les chocottes tu ne préfères pas y remettre les pieds. T'affiches un franc sourire cette fois, lorsqu'il se présente à toi comme étant Neo. C'est beau Neo, c'est doux mais pourtant t'as l'impression que derrière ce prénom doux se cache un fort caractère. « C'est joli, sinon moi c'est Lilo.» Ouais, t'as le même prénom que la petite fille hawaïenne dans le film de Disney à croire que tes parents étaient sous l'effet de psychotropes lorsqu'ils ont choisi ton prénom ( ou pas)

« ouais. depuis que mon père est parti, j'prends soin du phare. c'est un boulot comme un autre. » En réalité, t'adores ça. Prendre soin du phare. Veiller sur lui, t'imaginer encore que ça sert aussi à veiller sur les marins. Est-ce que ton père serait revenu, si sa lumière fonctionnait encore ? Si elle clignotait comme une luciole dans la nuit noire ? Peut-être. Ou peut-être pas, t'en sais rien. « t'es jamais montée en haut ? » fais-tu avec un sourire, à la fois surpris et soudainement excité. Faire découvrir aux gens ton antre secrète, parfois ça t'effraie, parfois ça te stimule, et c'est le cas tout de suite. T'as soudainement envie d'attraper sa main, de la trainer derrière-toi en courant, et de grimper au sommet de ta forteresse. Mais tu restes assis, les pieds qui se balancent. Elle dit que c'est joli, Neo, et tu lui offres alors un immense sourire. Ça t'fait plaisir quand on te dit ça, parce que même si t'as encore ton accent qui roule sur la langue, que tu parles un anglais trop rapide, et que t'as les eaux de l'Irlande dans ton regard bleu, y a des gens qui aiment ça. « en plus long, c'est neoliàn. » avoues-tu avec un petit clin d'oeil. Puis, tu lâches un petit rire amusant. Amusé. « oh, lilo, j'adore ! t'as déjà trouvé ton stitch ? » Quelle super blague, Neo, c'est bien. Tu ris encore un peu, avant de laisser les éclats se disperser dans l'air salé. Tu regardes les mâts des bateaux. « j'imagine que t'es née ici ? » Peut-être que tu te trompes, en vérité. T'en as aucune idée, c'est qu'une supposition. Tu tournes l'océan de tes yeux vers elle, avec un infime sourire.

» la vie (libre)
» pomme- (libre)
» (libre) flume.
» frustration ∞ libre
» Fire - libre

(libre) high hopes.

Sujets similaires

Sujets similaires