tu te demandes ce qu'elle fait ici, cette gamine perdue et muette, cette fille sans casquette. elle a été envoyée sur les océans avec une jolie carte dorée, rien que ça, elle peut faire des cercles dans le pacifique si elle veut, elle a choisi onassis. il n'y a que son père pour prendre des nouvelles, vérifier qu'elle respire encore, répondre à ses lettres.


goût.
Elle a le goût de la cannelle, de l'anis, de la fleur d'oranger, le goût dérangeant, le goût incongru, le goût qu'on reconnaît parmi les autres épices, celui qui relève le goût, celui qui annule les saveurs fades. Elle a le goût d'un mousseux, elle est sucrée entre tes lèvres, salée entre tes doigts. Elle est le goût acide dans ta vodka, elle est l'olive de ton martini, elle a un goût de détail, un goût qui fait vibrer la langue le temps d'une demi-seconde pour disparaître dans la gorge jusqu'à la prochaine gorgée, la prochaine bouchée.
ouïe.
T'entends ce rire brisé ? Un sanglot s'est échappé, un bracelet a cliqueté, ses pieds nus frappent le sol, le hoquet de la gamine apeurée. T'entends plus rien. Sa voix est velours, faut coller ton oreille pour l'entendre susurrer qu'elle a un peu faim. Les mots restent accrochés à ses lèvres, on l'entend très peu, trop peu. Silence. La gamine n'est que silence et hochements de tête.  
odorat.
Elle sent la menthe, le chewing-gum rose, les livres neufs et l'eau salée. L'été elle a l'odeur du soleil, celle de la fleur  qui grimpe sur les murs blancs et éclos en laissant derrière elle une odeur sirupeuse. L'hiver elle sent le thé à la bergamote, le fumet se mêle au parfum des vêtements fraîchement repassés. Le printemps elle sent la cerise. L'automne elle sent la pomme de pin. Tous les jours, elle sent Ève, elle sent le rêve, elle sent la fille, mais pas trop, elle à l'odeur du silence et de l'oubli.
toucher.
Elle est caresse, elle est toucher suranné. Satinée, sa peau est pétale de rose. Ferme les yeux et laisse tes doigts traverser sa chevelure duveteuse pour venir se perdre sur les traits de son visage enfantin : nez pointu, bouche disproportionnée, pommettes adorables, sourcils froncés. Prends ses mains dans les tiennes et constate la légèreté de ses doigts, la finesse de ses menottes adorables.
vue.
Tu vois l'ombre qui valse au gré du vent, la silhouette gracieuse, taille gracile, formes peu prononcées de cette poupée. Ange aux yeux des uns, démon à celui de l'autre, fille ou rivale, pauvre idiote, pyromane, magicienne, enfant, femme, amante, morte, psychotique, élève, patiente. Tu vois sa mains s'agiter en ta direction, elle fait coucou, elle dit bonjour, elle a les yeux fermés, les yeux souriants ; elle est fleur. Elle se détourne, son sourire retombe -a t-il existé où n'était-ce qu'illusion ? elle est pierre, mur de glace, snob, princesse méprisante, agaçante.

moi c'est louise, louise-ilys, certains me connaissent rapidement, de nom, d'autres pas, je pense pas connaître grand monde ici ... ma petite ève, c'est un personnage que j'ai repris, que j'avais besoin de reprendre, de jouer, mon bijou avec pour visage grace hartzel. et puis je suis une fille des îles, je viens de maurice.