et l'eau en contrebat. sauve moi. (moyan)

© tumblr isabellecornish.

MO & RYAN
la liberté au bout des doigts, entre le marteau et l'enclume, c'est la luciole au fond des nuits, c'est comme rouler sans le permis. .

Buddy gambade à ses côtés. Buddy le chien fou, Buddy la projection animale de Mo. Mo l'enfant peter pan, qui ne grandira pas, jamais. Parce que ce n'est pas assez innocent, l'âge adulte. Pas assez magique. C'est peut-être un peu pour ça qu'avec Ryan, ça a collé tout de suite. Parce qu'elle a l'air un peu pareil, la belle, un peu la tête dans les nuages, pas vraiment raccrochée aux choses futiles et bassement terre à terre. Quoi que non. Elle, elle a la tête dans l'eau, avec les poissons et tous les monstres sous marins qu'il doit y avoir la dessous. Oh il lui a bien dit Mo, qu'il avait peur de l'eau. Qu'il en avait presque plus peur que des clowns. Pour vous dire. Elle elle a juste ri, quand il lui a dit. Et puis voilà, ça a collé. Juste comme ça, sans effort. Un peu grace à Buddy aussi, mais ça, on le dira pas.
Mo se laisse traîner jusqu'aux falaises en écoutant Blondie parler, lui présenter l'île, lui parler de tel ou tel endroit de chez elle. Oui, l'île, c'est chez elle, ça se sent dans ses mots, dans chaque regard qu'elle pose sur chaque centimètre carré de ce patelin de terre paumé au milieu de l'océan. Mo ça le fait rêver. Il a jamais connu ça lui, un amour inconditionnel pour une terre natale. Chez lui, c'était loin d'être aussi beau qu'ici faut dire. Et puis il avait rien pour être heureux là bas. Et ici ? Qui sait, lui aussi pourrait aimer cette île. La faire sienne, une bonne fois pour toutes. Oui peut-être. Ryan s'arrête. Alors, c'est là les falaises ? Le chien fou galope dans tous les sens, et lui craint un peu en s'approchant du bord escarpé. Comme une fin du monde brutale et inévitable. « Mon dieu. » il souffle en jetant son regard en bas, sur l'eau qui s'écrase contre les pierres escarpées

C'mon, gimme good water
C'mon, gimme good water
C'mon, gimme good water
Please don't refuse me, mister
I've seen your daughter at the oasis
And I'm beginning to blister

Water ~ The Who

Ils arrivent sur la falaise et elle s'approche du bord. Elle connait l'endroit par coeur mais la vue n'est jamais la même. Les vagues ne sont jamais les mêmes, les rochers non plus, le ciel... Elle ne saurait pas exactement dire ce qui est différent mais elle sait que ça l'est. La journée les falaises sont paisibles, la nuit on peut y croiser des petits animaux, ça aussi ça change. A cette heure-ci il n'y a que des oiseaux et des insectes, des papillons, des abeilles... Ryan pose les mains sur ses hanches et prend une longue inspiration. Elle affiche un large sourire et encore plus en entendant la réaction de Mo en regardant le vide. " Si t'avais pas peur de l'eau je t'aurais déjà poussé en bas " dit-elle. Elle ne comptait plus les fois où elle avait sauté de la falaise avec ses amis. C'était follement dangereux mais c'était ce qui était le meilleur. L'adrénaline. La chute. L'appel du vide. Et plouf. Elle recule un peu pour s'asseoir en tailleur dans l'herbe et ouvre son sac à dos dans lequel elle a mis de quoi boire et manger. Elle a de l'eau et du soda et quelques sandwichs qu'elle a préparé elle-même. C'est une habitude qu'elle a, de toujours prendre des trucs à manger avec elle. Des fois ça se ne résume qu'à quelques biscuits. Pour cette fois elle a prévu un peu plus gros. Elle fait signe au chiot de s'approcher et il courre vers elle. Elle le prend dans ses bras pour le caresser et jouer avec lui. " Je pourrais t'apprendre à nager, si tu veux. Je connais des endroits où on pourrait aller et où t'aurais pieds. T'aurais plus peur de l'eau comme ça. " elle lève les yeux vers lui et libère le chien qui se remet à courir dans tous les sens autour d'eux.

Cette fille est dingue. Le pousser à l'eau ? Depuis la falaise ? « Merci de te retenir ! » Il mourrait sûrement en cours de chute, le Mo, d'une bonne crise cardiaque. Alors même s'il sait qu'elle rigole, qu'elle dit ça pour l'embêter, il se recule. Faudrait pas grand chose pour se casser la gueule et piquer une tête. Et non, merci, mais il a pas besoin de ça. Il rejoint Ryan sur la pelouse, s'affale à ses côtés, le nez en l'air. C'est beau, c'est doux. Ça sent l'été à plein nez. Ils ont même droit aux papillons et au chant des oiseaux, si c'est pas le paradis, il sait pas ce que c'est. Buddy finit dans les bras de Blondie, qui s'amuse de lui comme d'une peluche. Le chien est ravi. Mo, ça le fait sourire quand il les regarde. Il pose son sac à dos, son éternel sac à dos. Ya toute sa vie la dedans. Il farfouille un instant, et puis il en sort une pomme, et puis c'est tout. Mo, il a jamais faim, c'est bizarre. Une pomme et c'est fini. Puis de toute façon, c'est pas comme si il avait une cuisine équipée dans sa tente Quetchua déjà à moitié déglinguée. Ryan se sort des sandwichs, un tas de trucs, ça aussi, ça le fait sourire. Mo il sourit pour tout, et pour n'importe quoi. Même pour les sandwichs de Ryan, et pour le chien, qui repart galoper dans tous les sens. Ouais, c'est pas compliqué avec lui. Sauf là, quand elle lui reparle de savoir nager, il sourit encore, mais un peu crispé. Un peu gêné. « Mais je sais nager tu sais, dans les piscines, où on voit le fond des bassins. La mer c'est... » il grimace au lieu de terminer sa phrase. C'est froid, on voit rien, et encore moins toutes les bêtes qui pourraient s'y cacher. Quand ils étaient au Canada, sa mère lui racontait des histoires horribles sur les monstres sous marins. Bah, c'était sûrement pour les dissuader d'aller sauter dans le lac près de la maison, sa sœur et lui, n'empêche qu'il a jamais essayé par la suite. Et que sa frousse s'est étendue à à peu près tout ce qui ressemblait à un bassin sans fond. « On voit rien tu comprends. Ça donne vraiment pas envie. Mais toi, ça te gêne pas on dirait ? Quand je te vois, t'as toujours l'air de sortir de l'eau »

Ryan passe sa main dans ses cheveux blonds en suivant Buddy des yeux, il suit un papillon et tente tant bien que mal de sauter pour l'attraper, en vain. Elle retourne son attention vers Mo lorsqu'il lui dit qu'il sait nager mais que son problème, c'est plutôt la mer. Elle arque un sourcil, un peu surprise. La mer. Comment peut-il ne pas aimer la mer ? Les piscines à côté, ça n'a rien de fascinant. Une piscine est vide de sens, il n'y a que de l'eau, de l'eau chlorée. La mer. L'océan. C'est là que se trouve toute la beauté de l'eau et peut-être même du monde. Il lui dit qu'on y voit rien et ça la fait sourire, elle le laisse finir, il ajoute que elle, ça ne la dérange pas et qu'elle a toujours l'air de sortir de l'eau. Elle ne peut retenir un rire. Elle trouve que ce n'est pas mal observée, elle passe beaucoup de temps dans l'eau, à surfer, nager ou à explorer les fonds marins avec son matériel de plonger. " Et bah, c'est pour ça qu'on a inventé les masques de plongée tu sais ? Pour y voir quelque chose, tu devrais essayer, ça change la vie ! " dit-elle en riant. Elle reprend " Justement, nager dans l'océan c'est beaucoup plus.. heum.. Passionnant, il y a un tas de choses à voir. L'autre jour on a croisé des énoooooormes tortues. Dans une piscine tu ne vois que.. Du carrelage. C'est moche. " Elle déballe un sandwich et regarde la pomme de Mo. " J'en ai fait assez pour deux. Sers-toi. "

Oui, peut-être que ça change un peu, mais pas tout. Les monstres de son imagination ne s'en iront pas avec un masque et un tuba, ça, c'est sur et certain. Bon, c'est sûr que les tortues risquent pas de le bouffer, mais quand même. Il sourit Mo, en l'entendant parler de ses escapades maritimes, il l'envie presque sur le coup. C'est vrai que quand elle en parle, ça a l'air plus beau que tout, les fonds marins. Il lui en faudra quand même plus pour le traîner au pays des monstres à nageoires et à grandes dents. Il hausse les épaules. « Ouais, mais au moins, on a pas de mauvaises surprises. » De toute façon, Ryan et Mo, ils ne seront jamais d'accord là dessus. Ça semble impossible, à les entendre. Mo croque dans sa pomme en inspirant l'air frais. Il est vraiment bien ici. Il se sent revivre. À l'écouter parler d'océan, de tuba et de masque. À regarder Buddy faire le bébé fou. Ryan lorgne sa pomme d'un air presque triste et lui propose un sandwich. Il rit. C'est toujours l'effet que ça fait. « J'vais pas te priver de tes propres sandwichs t'en fais pas va. Ça va, j'ai pas si faim que ça. » Et le pire, c'est que c'est vrai. « Dis, et sinon tu fais quoi toi ? Tu travailles ? Tu fais des études ? Ou tu mènes juste la belle vie en regardant les poissons ? » Mo sourit. Même si l'idée le ronge qu'il devrait vraiment se mettre à chercher un gagne pain, et vite. Ses réserves s'amenuisent à vue d’œil, et il ne va pas vivre dans une tente éternellement. Ça semble presque idiot.

Mo refuse de la priver de ses sandwich et elle lève les yeux au ciel. Il a beau dire qu'il n'a pas faim, elle s'en fiche et prend une des petits emballages en aluminium pour l'envoyer doucement vers lui. " Tais toi, j'en ai fait assez pour nous deux. Prends en un. Tu vas me vexer sinon. " elle avale le sien à une vitesse folle, en quelques bouchées seulement. Ryan s'allonge alors dans l'herbe, elle met ses mains sous sa tête et elle ferme les yeux pour apprécier la chaleur du soleil et sentir les rayons venir taper contre son front et ses joues. Ca fait longtemps qu'elle n'a plus besoin de mettre de crème solaire. Elle bénéficie d'un bronzage permanent pendant toute l'année. La vie est plutôt ensoleillée dans ce coin là de la Terre. La pluie où le mauvais temps y est vraiment rare. Mo lui demande alors ce qu'elle fait dans la vie, il l'interroge, il veut savoir si elle travaille ou si elle fait des études.. Elle sourit doucement et lui répond sans ouvrir les yeux. " Je travaille à la réception de l'hôtel depuis bientôt deux ans... " ce n'est pas un travail très palpitant mais ça lui permet de rencontrer beaucoup de gens, des touristes, tout le temps, surtout l'été. Ils sont assez nombreux à venir d'un peu partout. " Je voulais faire des études, par correspondance, mais j'ai abandonné l'idée, je m'y serais jamais accrochée. J'ai jamais trop aimé l'école. C'était de la torture d'être assise sur une chaise pendant des heures. " les seuls cours qu'elle avait aimé étaient le sport. Évidemment. " Et toi tu fais quoi? "

A son tour de lever les yeux aux ciels, quand Pritchard lui jette un papier d'alu à la tronche, avec un de ses sandwichs dedans. S'il lui dit qu'il a pas faim ! Mo a comme l'impression qu'il ne s'en sortira pas sans avoir avalé jusqu'à la dernière miette le sandwich de Ryan. Alors soit, il soupire, et il commence à manger, après l'avoir remerciée d'un demi sourire. Mo, l'oie des temps modernes, que l'on gave à coup de pain de mie et de jambon-tomate. Ryan a pas besoin d'être forcée elle, elle l'enfile à toute allure son repas, et puis elle s'étale dans l'herbe, sous le ciel bleu. Mo prend son temps. Et puis il passe à autre chose, il essaye de savoir ce qu'elle fait, dans sa vie, avec qui, quand. Mo, il essaye de se faire une place comme il peut sur Onassis, avec Maud, avec elle, avec Ace, Niko. Tous ces drôles de gens, les autochtones de cette drôle de vie. Mo acquiesce. Les études, ça sert à rien. « Pourquoi ça ne m'étonne pas ! » Ryan, elle est faite pour les grands espaces. Lui aussi il a renoncé, puis ses parents, ils crachaient dessus aussi, c'est pas eux qui l'y aurait forcé. Une pensée pour sa sœur lui serre le cœur. Elle, elle aurait voulu en faire, des études. C'est la vie. « J'ai pas fait d'étude non plus. Fin, le strict minimum, j'ai fini le lycée tu vois... puis j'suis parti. » Comme ça, du jour au lendemain. « Et maintenant c'est la belle vie, ici. Je vais trouver un boulot et ensuite, bah, tu sais, p'tetre que je resterai. » Ou peut-être pas, qui sait. « En fait, il y a rien qui me manque ici, sauf un téléphone. Je sais même pas si on peut en acheter un ici, sur l'île. J'ai jeté le mien à l'aéroport de Paris, c'est complètement débile. » Et Mo sourit.

Mo il est gentil, il a débarqué sur Onassis d'un peu nul part, elle le connait pas trop encore, elle sait pas vraiment d'où il vient, mais elle le trouve plutôt sympa, même si il est le premier à refuser un de ses délicieux sandwiches. Ryan l'écoute lui raconter qu'il n'a pas vraiment fait d'études lui non plus. C'est plutôt commun ici. Les gens ne sont pas illettrés, loin de là, mais pour faire de grandes études il est nécessaire de quitter l'île et ceux qui la quittent ne reviennent que très rarement. Il ajoute que la seule chose dont il a besoin ici c'est d'un téléphone mais il ne sait pas si il est possible d'en acheter un sur l'île, il ajoute qu'il a jeté le sien à Paris. Elle rouvre les yeux pour le regarder " Bien sûr que tu peux en acheter un ici. Par contre je ne sais pas trop combien ça coûte. J'en ai acheté un super nul car je le perds tout le temps. Ou je le casse. " Elle en avait cassé plus d'un. Ils finissaient généralement pleins de sable ou pleins d'eau. Ryan n'était de toute façon pas très douée avec la technologie, elle y était plutôt hostile, elle n'y comprenait rien et n'en voyait pas vraiment l'utilité. Elle n'avait pas besoin d'un téléphone. Elle savait où trouver ses amis lorsqu'elle devait leur parler. On avait bien vite fait le tour du village pour les trouver. Tous ses proches étaient sur l'île, mise à part la famille de son père qui vivait en Australie mais ils téléphonaient régulièrement. A ses parents. Pas vraiment à elle. " Tu voudrais faire quoi comme boulot ? Tu peux facilement trouver quelque chose je pense, y a toujours besoin de quelqu'un ici ou là... Et t'as déjà rencontré du monde ici? "